Les oeuvres de la tenture
Le projet "L'imaginaire de Hayao Miyazaki en tapisserie d'Aubusson" prévoit la création d'une tenture tissée (suite de tapisseries sur le même thème) à partir de 5 extraites des films d'animation du réalisateur japonais Hayao Miyazaki, choisies conjointement par la Cité internationale de la tapisserie, Hayao Miyazaki et le Studio Ghibli. Les 5 futures tapisseries murales, peuvent être regroupées selon 4 origines, 4 films du célèbre réalisateur : Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro, Le Château ambulant et Nausicaä de la Vallée du Vent.
I. Princesse Mononoké
Princesse Mononoké est sortie en 1997. L'histoire, se déroulant dans le Japon ancien, met en scène Ashitaka, un jeune guerrier maudit plongé dans une guerre entre les esprits de la forêt et le monde des hommes. Incroyablement complexe et violent, Mononoké est une odyssée barbare qui nous fait plonger dans les profondeurs de la Terre. Son scénario, empreint de références shintoïstes, développe différentes thématiques : relation entre l'homme et son environnement, la guerre et l'escalade de la violence ou encore la condition féminine.
Dans la tapisserie "Ashitaka soulage sa blessure démoniaque", un sanglier possédé par un démon a blessé au bras le jeune guerrier Ashitaka. À son tour pris par la malédiction, il mourra s’il ne parvient pas à trouver le moyen de lever le sortilège. Accompagné de sa monture Yakul, il part vers l’Est dans l’espoir de vaincre la menace qui pèse sur lui et sur le pays. Ashitaka se réfugie dans un bois de cèdres pour soulager son bras sous l’eau fraîche.
L'œuvre de Miyazaki pose la question de la relation de l’homme à la nature ; la forêt et son univers y jouent un rôle central, celui de l’origine du monde, d’un point d’équilibre du vivant mais aussi d’un havre de paix primordial. Le jeune héros, figure des contes de Miyazaki, vit une quête initiatique, faite de découvertes sur les vérités du monde, traversée par la magie, l’esprit de la forêt, la rencontre amoureuse… et est dans l’obligation de faire des choix au regard de ces situations ambivalentes. Une transition vers un devenir homme, conscient et engagé.
II. Le Voyage de Chihiro
Le Voyage de Chihiro, sorti en 2001, développe des thématiques importantes pour Hayao Miyazaki : l'équilibre entre l'homme et la nature, le voyage initiatique, la relation entre la société contemporaine et les traditions, etc. Ce raconte l'histoire de Chihiro et ses parents qui, en route pour déménager, s'égarent et découvrent un étrange tunnel qu'ils décident de franchir. Après la transformation de ses parents en cochon, Chihiro se retrouve livrée à elle-même dans un monde de dieux, d'esprits et de monstres. Dans cette scène, un Sans visage aide Chihiro dans sa quête pour retrouver ses parents transformés en porcs mais il est devenu glouton et énorme. Il a dévasté le banquet en réclamant la venue de la fillette. Celle-ci va lui faire avaler une boulette de plantes médicinales donnée par l’esprit de la rivière, ce qui fera vomir le Sans visage et régurgiter tous les êtres qu’il a dévorés.
Sans visage, sans humanité ? Le Sans visage est une chimère solitaire en quête d’identité, en quête de soi ; elle est prise dans un jeu de concupiscence, de séduction, de possession, et fait face à son désir d’être sans y parvenir. Le décor orné de démons peints et chargé des mets entassés, parachève de suggérer l’aspect outrancier de cet être perdu. La résistance innocente et généreuse de Chihiro lui oppose une forme d’insatisfaction et lui assigne une place, qui construira la possibilité d’une amitié.
III. Le Château ambulant
Le Château ambulant réalisé par Hayao Miyazaki en 2004 et adapté du roman Le Château de Hurle de Diana Wynne Jones, raconte l'histoire de Sophie, une jeune fille victime d'un sortilège qui se met au service d'un étrange sorcier. Dans la future tapisserie “le Chateau ambulant”, Sophie, une demoiselle de 18 ans, vient d’être transformée en vieille femme par la Sorcière des Landes. Elle fuit la ville et rencontre un épouvantail à tête de navet qui lui indique le chemin du Château ambulant, demeure de Hauru, un jeune magicien séduisant et mystérieux.
Dans l’univers de fantaisie de Miyazaki, le vivant c’est aussi animer l’inanimé. Du personnage du navet épouvantail à ce château mobile et hybride, quasi animal, l’esprit merveilleux raconte comment habiter le monde, interrogeant la sédentarité, et pourquoi pas habiter le monde en passager, c’est-à-dire dans la métamorphose des êtres et des choses.
Pour la tapisserie “La peur de Hauru”, la scène présente le magicien Hauru, transformé en oiseau, rentré épuisé d’un combat. De plus, en rangeant le château, Sophie a déplacé ses affaires et par sa faute ses cheveux blonds sont devenus noirs. Hauru sombre dans la déprime. Sophie est à son chevet. Hauru lui avoue sa peur et son manquement à ses responsabilités de sorcier dans la guerre engagée par le roi contre un autre pays. Il lui demande de se rendre auprès de la Sorcière royale Suliman en se faisant passer pour sa mère, dans le but d’annoncer son refus de combattre.
La relation au domestique, à l’espace du quotidien, est récurrente et dans la chambre du magicien, couverte de grigris et de peluches, trésors de l’enfance, l’héroïne fait face au jeune homme. Celui-ci, figé par l’incapacité à dépasser ses peurs, ne quitte pas le temps de l’adolescence. Les notions de mort et de vie, d’un mode d’existence choisi ou du soin porté à l’autre, traversent cette scène initiatique. La puissance et le courage du féminin construisent un point central de l'œuvre de Miyazaki.
IV. Nausicaä de la vallée du vent
Nausicaä est un film de guerre post-apocalyptique où une jeune femme tente de protéger sa vallée, d'un empire belliqueux et d'une mystérieuse forêt qui envahit le monde. Sorti en 1984, il s'agit de l'adaptation de son manga éponyme publié entre février 1982 et mars 1994 au japon. Hayao Miyazaki livre sa première œuvre véritablement personnelle, un film de science-fiction au propos écologique complexe et radical. La scène choisie se place après que les hommes aient tenté de détruire les omus, insectes géants de la forêt aujourd’hui toxique. Mais l’armée des omus a attaqué et anéanti les cités et les civilisations. Loin de la forêt, ces géants ont fini par mourir de faim, des moisissures toxiques ont recouvert leurs cadavres et ont rempli l’atmosphère de poison mortel.
Le vivant est souvent montré dans des situations apocalyptiques, fruit des luttes et inconséquences de l’humanité. Dans ce long panorama, le paysage est dévasté, nocif. Miyazaki, dans une forme de récit anticipatoire, raconte la fin du règne de l’humain et de la « revanche de la nature ». Il s’agit d’un retour à un cycle non pas exclusivement écologique mais en quête d’une diversité harmonieuse.